Le mois dernier, ESSEC Junior Développement vous parlait de la chute de la Silicon Valley Bank. À qui le tour ? Après l'effondrement successif de Silvergate, de Silicon Valley Bank (SVB) et de Signature Bank, c’est la banque First Republic qui a fait trembler les marchés financiers ces dernières semaines. Mi-mars, l’alerte est donnée. Le groupe californien First Republic a vu son action plonger de 62 %, après avoir déjà chuté de plus de 25 % une semaine auparavant.
Rappel sur l’identité de la banque californienne First Republic
First Republic, basée à San Francisco, disposait de 212 milliards de dollars d'actifs et de 176milliards de dollars de dépôts à la fin de 2022, selon son rapport annuel. Notons que First Republic est la 14ème banque américaine (en termes d'actifs). Fondée en 1985, elle n'a pas d'exposition directe à l'industrie technologique, contrairement à SVB, qui était une banque de référence pour les start-up.
En effet, First Republic fournit des services de banque privée et de gestion de patrimoine principalement pour les particuliers et les entreprises. Année après année, le groupe a réalisé une croissance remarquablement élevée, avec des actifs passant de 22 milliards de dollars fin 2010 à 212milliards de dollars fin 2022.
Cependant, le profil de sa clientèle s’est récemment transformé en une faiblesse à la suite des faillites de la Silicon Valley Bank, de Signature Bank et de Silvergate. Ces dernières avaient misé sur des secteurs spécifiques, la technologie pour SVB et la cryptomonnaie pour Signature Bank et pour Silvergate. Aux dernières nouvelles, 68% des dépôts de First Republic étaient dans des comptes bancaires avec des montants supérieurs à 250 000 $, la limite garantie par les autorités. C'est moins que Signature et SVB pour qui cela représentait respectivement 89% et 96% de dépôts non garantis, mais cela reste plus élevé que pour la moyenne des banques régionales, 55%.
Même si les clients de First Republic viennent de divers secteurs économiques, certains spécialistes craignent que bon nombre d'entre eux préfèrent transférer leur argent vers de grandes banques, qui, a priori, ne risquent pas de faire faillite. La direction de First Republic déclarera plus tard qu’il y a effectivement eu une fuite de plus de 100 milliards de dollars de dépôts durant la crise bancaire hivernale.
Les premiers signaux d’alerte et des inquiétudes persistantes malgré des mesures de soutien
Mi-mars, lorsque l’agence Bloomberg a affirmé dans un article que First Republic explorait actuellement des « options stratégiques » pour son avenir, y compris une possible vente, le cours de son action a dégringolé.
Le groupe californien a vu son action plonger de 62%, après avoir déjà chuté de plus de 25% une semaine auparavant et de près de 73% depuis le 8 mars. Les dirigeants de First Republic ont tenté de rassurer les investisseurs en déclarant que la « situation de capital et de liquidités de la banque demeurait forte ». La déclaration est intervenue après un élan de solidarité venu de la FED et de JPMorgan Chase. En totalisant 70 milliards de dollars, les deux organisations ont fourni de nouvelles sources de liquidités à First Republic.
Mais cela n'est toujours pas suffisant pour les agences de notation S&P Global Ratings et Fitch, qui ont diminué leurs notes sur la dette des entreprises dans la catégorie des investissements spéculatifs.
"Nous pensons que le risque de fuite des dépôts est élevé à First Republic Bank malgré les mesures prises par les régulateurs bancaires et le fait que la banque augmente activement sa capacité d'emprunt pour atténuer le risque lié aux faillites bancaires de la semaine dernière", justifie S&P dans une note.
L’unité des institutions pour soutenir First Republic et éviter la contagion
Lorsque la peur est installée, il devient difficile de la faire reculer. Toujours en difficulté, First Republic Bank inquiète les marchés. Les grandes banques veulent à la fois éviter que la panique s'amplifie, mais aussi qu'on leur reproche de profiter de la crise.
C’est dans ce cadre qu’un consortium de 11 établissements majeurs de Wall Street a injecté 30 milliards de dollars de dépôts à First Republic. Parmi ces établissements, on retrouve notamment Bank of America, JPMorgan, Citigroup et Wells Fargo, qui ont chacun contribué à hauteur de 5 milliards de dollars. L’implication de JPMorgan n’est d’ailleurs pas sans raison. Jamie Dimon, patron de la banque et meneur de l’initiative, est le seul dirigeant à avoir survécu à la grande crise financière de 2008, il est régulièrement consulté par le gouvernement dans la tourmente bancaire actuelle. La secrétaire au Trésor américain, Janet Yellen, souhaite, elle aussi éviter une nouvelle crise et a déclaré que l’intervention de l’État était nécessaire pour protéger le système bancaire dans son ensemble et que des actions similaires pourraient être annoncées si des institutions plus petites souffraient d'une fuite des dépôts de nature à créer un risque de contagion. Implicitement, la secrétaire d'État suggère que les dépôts pourraient être garantis intégralement si la situation empirait. C'est ce que les autorités bancaires avaient fait pour SVB et Signature Bank.
Le rachat de First Republic par JPMorgan Chase
Le 1er mai est annoncé le rachat de First Republic par JPMorgan Chase. Une réelle bouffée d’air frais pour le secteur bancaire américain. Le patron de JPMorgan, Jamie Dimon, a d’ailleurs répété plusieurs fois lundi 1er mai que le rachat de First Republic par sa banque allait « aider à stabiliser le système ». La chute définitive de First Republic marque la deuxième plus grosse faillite bancaire de l'histoire des États-Unis depuis 2008 et celle de Washington Mutual.
Selon l'accord conclu lundi, JPMorgan va récupérer tous les dépôts de la banque First Republic, ainsi que la majorité de ses actifs, les agences pourront rouvrir selon les modalités habituelles. Plus précisément, l'acquisition signifie que les prêts de First Republic doivent être réévalués à la baisse, et la FDIC, l'agence chargée de garantir les dépôts, a accepté de couvrir une partie des pertes. Le coût du plan de sauvetage, estimé à environ 13 milliards de dollars, proviendra des cotisations versées par les banques. L'accord prévoit également que JPMorgan paiera 10,6 milliards de dollars à la FDIC.
Un appel au durcissement des règles pour protéger le système bancaire américain
Cette nouvelle frayeur ne va sûrement pas rester sans conséquence. Jamie Dimon, dirigeant de JPMorgan se veut préventif et appelle à de nouvelles mesures en déclarant qu’
« il est évident que si, à l'avenir, il y a des récessions, des hausses de taux et d'autres choses de ce genre, d'autres fissures pourront apparaître dans le système ».
Ce n’est pas le seul à appeler à un durcissement des règles pour protéger le système bancaire américain. Le président américain Joe Biden a lui-même demandé aux régulateurs de renforcer la réglementation et la surveillance des grandes banques et des banques régionales.
Toutefois, le responsable de la FED chargé de la supervision des banques, Michael Barr, a tenu à rappeler que, si une modification de la règlementation au niveau des liquidités et des niveaux de capitaux était souhaitable, cela prendrait probablement « des années » avant d'être mis en place.
Ecrit par Lucas Fernandes, Consultant Junior ESSEC Junior Développement
Sources :
« Répit pour les banques régionales américaines, sous tension depuis l'effondrement de SVB », Les Echos, 15 mars 2023
« First Republic, la banque américaine sous le feu des projecteurs », ABC Bourse, 16 mars 2023
« SVB et Signature Bank présentaient un sérieux risque de contagion selon Yellen », AFP Infos Mondiales, 16 mars 2023
« L'establishment bancaire se remobilise pour sauver FirstRepublic Bank », Les Echos, 22 mars 2023
« Aux Etats-Unis, la First Republic Bank est à son tour au bord dugouffre », Le Monde, 26 avril 2023
« First Republic : la reprise par JPMorgan Chase ne dissipe pas toutes les inquiétudes », La Tribune, 3 mai 2023
« Les inquiétudes persistent dans le secteur bancaire en Europe et aux Etats-Unis », La Correspondance économique, 10 mai 2023